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Vrac de citations issues de : « JE EST UN NOUS» de Jean-Philippe Pierron

 

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Faire son écobiographie, c’est tenter de s’alléger de la loi du temps chronologique et laisser la parole au temps de l’espace, des espaces. C’est risquer de se raconter dans le désordre et d’aller dans les profondeurs, à contresens, c’est risquer de se rencontrer.


L’espace d’un instant ou l’instant d’un espace.


L’écobiographie invite à des exercices de soi. On s’y exerce à préciser ses accordages non pas avec la nature en général, mais avec cette nature singulière, à chaque fois irremplaçable, et qui a fait histoire. C’est une cueillette de parcelle d’étrangeté qui nous constituent et nous augmentent intimement. On y part en reconnaissance pour, dans l’expérience du détour, faire place à l’autre que soi en soi. Une vie, dans ses relations à toutes les altérités qui la travaillent, se découvre « soi même comme un autre ». S’élargit ainsi le cercle de la fraternité et des sororités à tout ce qui nous lie à a la nature, découvert plus intime à nous même que nous ne l’imaginions. Nous nous en trouvons augmentés et en éprouvons de la gratitude. D’une certaine manière s’y redéploie le sens de nos filiations.


Sur le mode d’une intensité relationnelle, non encore rationalisée mais sensible, les images poétiques du monde qui nous habitent sont aussi des images qui nous habilitent en nos capacités de rêver, de prendre la mesure de nos possibles et de nos puissances d’agir.


La dimension poétique de l’écobiographie travaille précisément à réparer, à rendre visible et soutenir la qualité de tous ces liens à la nature qu’elle intensifie en imagination, là où la marchandisation de monde les a écrasés. Elle active par le biais des imaginaires des matières redécouvertes comme originaires (soutenir et rêver la source sous la ressource) et non pas simplement comme matériaux à extraire ou exploiter. (...) L’idée de soi écologique ne pense pas moins l’humain, mais le pense mieux, y intégrant les relations en résonance avec le milieu (écoumène) qui le font être dans son être.


Cette histoire explore nos ancrages et nos appartenances, nos désirs et nos attentes. Elle ose reconnaitre les recoins cachés, discret et tenus, qui nous attachent à la fragilité du monde. Elle est nourrie de toutes ces capillarités secrètes, mais parfois dites, qui nous lie et nous relient aux autres, aux animaux, aux végétaux, à la nature. Dans la précarité évanescente de leurs présences, elles nous soutiennent, nous font tenir debout sur la Terre et contribuent à une forme d’exploration et d’explicitation de soi.

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